Bonjour à toutes et tous,
Je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau chapitre de la fanfiction crossover Resident Evil et Dead by Daylight que je créée au fil des parties avec mes communautés Twitch et YouTube !
Dans le chapitre précédent, Leon est enfin parvenu à fuir Raccoon City, le cœur lourd. L’échantillon du virus G a été perdu et Ada est morte. Mais alors qu’il se pense enfin en sécurité auprès des agents du Gouvernement, Leon se rend compte que Raccoon ne constituait que le prélude du cauchemar…
| Vous prenez la série en cours de route ? Pas de panique. Retrouvez ici : – l’introduction : fiche d’identité de Leon Kennedy ; – le chapitre 1.1.a : Bienvenue à Raccoon City ; – le chapitre 1.1b : Un fumet d’Apocalypse ; – le chapitre 1.2a : Un reste d’humanité ; – le chapitre 1.2b : Rencontre avec Annette Birkin – le chapitre 1.2c : Le N.E.S.T. |

« C’est pour ça qu’aujourd’hui je suis fatigué
C’est pour ça qu’aujourd’hui je voudrais crier
Je ne suis pas un héros […]
Faut pas croire ce que disent les journaux… »
Je ne suis pas un héros (Daniel Balavoine)
Raccoon city avait été déclarée « zone militaire fermée ». Les forces spéciales américaines l’avaient complètement bouclée. Le Président des États-Unis devait donner l’ordre d’anéantir la ville d’un instant à l’autre.
Aussi, un silence écrasant accueillit Leon et la petite fille lorsqu’ils émergèrent du train que les autorités avaient affrété en urgence afin de laisser aux éventuels survivants une dernière chance de s’échapper.
« À tous les survivants : un train passera à 06h00 en gare de Raccoon City. Rendez-vous y par tous les moyens. Il s’agira de votre dernière chance de quitter la ville avant que nous ne procédions à sa destruction pour enrayer l’épidémie de virus T », annonçait le message d’alerte qui avait résonné plus de quatre heures durant dans toutes les rues.
Sauf que personne ne s’attendait véritablement à ce qu’il y ait des survivants. Les journalistes qui couvraient l’événement sous la surveillance étroite du gouvernement répétaient en boucle à la télévision le discours pessimiste des miliaires. Ceux-ci estimaient très peu probable de retrouver des rescapés.
Aucune caméra n’était présente à l’arrivée du train dans le campement militaire provisoire dressé à plusieurs kilomètres de Raccoon City. Les journalistes le regrettèrent profondément tandis qu’ils arboraient la même expression d’incrédulité que les soldats en voyant Leon et Sherry débarquer. Tous les dévisageaient comme ils auraient contemplé des spectres émergeant d’un portail interdimensionnel.
Ce fut l’un de ces moments où le temps se dilata, s’étira, se suspendit jusqu’à se parer des atours d’un morceau d’éternité.
Le soulagement initial de Leon d’être parvenu à fuir Raccoon City se mua en une anxiété croissante.
D’après la centaine d’hommes en armes qui tenaient en joue le train, il devinait que les militaires avaient anticipé l’irruption de créatures contaminées hors de la rame plus que celle de pauvres hères comme Sherry et lui. Or, même si aucun monstre génétiquement modifié ne se ruait sur eux, les soldats ne faisaient pas mine de vouloir baisser leurs semi-automatiques.
Pendant une minute interminable, Leon crut qu’ils allaient leur tirer dessus en pensant avoir affaire à des contaminés encore asymptomatiques. Une application radicale du principe de précaution. Les militaires n’avaient jamais eu la réputation de faire dans la dentelle. Mais l’un d’eux, le Colonel si Leon en jugeait d’après sa tenue et les médailles qui l’ornaient, s’adressa à lui afin d’exiger qu’il décline son identité.
Il s’exécuta d’une voix fatiguée.
« Leon Kennedy, agent de police à Raccoon city. Et voici Sherry.

– Sherry comment ? »
Leon baissa les yeux vers la petite fille. Devant le spectacle de ces hommes silencieux lourdement armés, elle s’était recroquevillée contre lui, cachant son petit visage contre son flanc. Il remarqua seulement à cet instant qu’elle lui avait saisi la main et que ses ongles rentraient dans sa chair.
« Sherry ? » appela-t-il d’une voix douce. « Le monsieur demande ton nom de famille. »
La petite fille releva la tête juste assez pour qu’on puisse discerner un œil dont la pupille dilatée trahissait sa peur.
« Birkin », lâcha-t-elle d’une voix aiguë.
Elle se pelotonna un peu plus contre Leon, inconsciente de la stupéfaction qu’elle venait de susciter en lui.
Se pouvait-il qu’il s’agisse de la fille d’Annette et William Birkin ?
Qui d’autre cette petite aurait-elle pu être ?
Leon regarda le visage du Colonel. Si ce dernier reconnut le nom des responsables de la propagation du virus G et l’associa à celui de Sherry, il n’en laissa rien paraître.
L’enfant et Leon furent séparés.
Une psychologue de l’armée pris en charge la première tandis que le second fut conduit dans un vaste complexe de tentes modulables. Un ingénieux systèmes de tunnels les reliait toutes entre elles, formant des espaces séparés aussi grands que les pièces d’une maison.
Dans une première tente aménagée en infirmerie, Leon subit une batterie de tests médicaux afin de s’assurer qu’il n’était pas porteur du virus G, puis on le fit passer dans une seconde, transformée en bureau celle-ci.
Il s’attendait à subir un interrogatoire prolongé sur les événements. En revanche, il avait espéré qu’on l’aurait laissé se reposer avant d’entamer les réjouissances. Sa blessure par balle avait beau être la seule plaie vraiment sérieuse dont il avait écopée pendant sa virée à Raccoon, elle le faisait toujours souffrir et la retombée d’adrénaline déclinait ses forces. Des tremblements intérieurs parcouraient ses membres. Mais les militaires semblaient vouloir des réponses immédiates.
Ils lui ordonnèrent de prendre place devant le bureau vert olive disposé en plein centre de la pièce qu’il occupait seul avec les deux chaises qui l’encadraient de part et d’autre.
Leon obéit sans chercher à discuter. Trop respectueux de l’autorité, épuisé et pressé d’en finir.
L’homme qui le rejoignit quelques minutes plus tard n’était pas en tenue militaire mais paré d’un splendide trois-pièces gris et blanc qui devait valoir presque trois fois le montant du salaire de son père. Il avait tout l’air d’un bureaucrate, mais quelque chose dans ses yeux clairs imposa d’emblée le respect à Leon.
Le nouveau venu annonça sans ambages :
« Raccoon City vient d’être détruite par une frappe nucléaire décidée par le Président des États-Unis.
– Très bien. »
Un silence s’installa dans la pièce. Leon ne voyait pas ce qu’il pouvait ajouter de plus. Il s’était fait une raison depuis plusieurs heures. Raccoon City était condamnée. Aucun autre moyen n’aurait éliminé la menace de contamination aussi efficacement et il approuvait le choix du Président.
Comme son interlocuteur ne paraissait pas vouloir reprendre la parole non plus, Leon l’étudia.
Il s’agissait d’un quinquagénaire dont les cheveux châtains coupés court renvoyaient quelques chatoiements dorés sous les spots militaires installés dans la tente. Des rides marquées creusaient son front et les coins de ses yeux. D’autres commençaient à se dessiner autour de sa bouche. Loin d’amoindrir sa prestance, ces stigmates du temps qui passe conféraient à son visage rasé de près une puissance qui jaillissait de son regard bleu gris et le rendait difficilement soutenable.
Un sourire étira les lèvres de l’homme. Mais il était désabusé, sans joie. Comme si lui aussi était fatigué par les événements.
« Vous avez survécu à la première infestation de zombies de l’histoire des États-Unis. Et sans vous laisser contaminer vous-même par l’agent pathogène en cause. Félicitations, agent Kennedy.
– J’ai eu beaucoup de chance.
– Ne soyez pas modeste. Au regard du contexte, je pense qu’il y a un peu plus que de la chance qui est entrée en jeu… »
Oui, songea Leon, le cœur pincé. Il y avait Ada.
Il était toutefois hors de question de mentionner à un représentant de l’armée la mercenaire avec laquelle il avait involontairement collaboré. Il redoutait que le haut dignitaire face à lui le juge trop naïf ou pire, trop stupide pour faire carrière dans la police.
Ada était morte de toute façon. Apprendre à l’armée son existence ne changerait rien.
L’image de la main de la jeune femme glissant de la sienne envahit l’œil interne de son esprit et se superposa à celle de la tente sur les rétines de ses yeux physiques. Puis sa mémoire déroula la séquence de sa chute dans le vide.
Des larmes lui montèrent aux yeux.
« Revenez avec moi, Kennedy. »

Comme un dormeur émergeant d’un songe, Leon prit soudain conscience qu’il s’était abîmé dans ses souvenirs.
Il releva les yeux, tombés vers le sol dans leur mouvement inconscient pour suivre le plongeon de la jeune femme dans les ténèbres, et son regard croisa celui bleu gris de l’autre homme.
« Ce que vous avez vécu à Raccoon vous marquera longtemps. Aucun homme, aucune femme qui exerce votre métier n’en ressort jamais indemne. Mais vous ouvrez jeune le chapitre des traumatismes. Quel âge avez-vous ?
– 21 ans, Monsieur. »
– Allen.
– 21 ans, Monsieur Allen », corrigea Leon qui avait compris instinctivement ce que son interlocuteur attendait.
Ce dernier l’observait de son regard perçant, grave et pensif.
« Depuis combien de temps faites vous ce boulot ?
– C’est mon premier jour. »
Le silence qui suivit sa déclaration dura si longtemps que Leon se demanda si Allen attendait qu’il ajoute quelque chose. Mais l’épuisement général causé par la tension extrême des dernières heures et son respect pour l’autorité que l’homme incarnait le gardèrent muet. Il ne parvenait pas à deviner les pensées qui animaient son vis-à-vis et cela le perturbait.
Il était si habituel que tout le monde laisse en permanence ses émotions s’épanouir sur sa figure qu’avoir affaire à quelqu’un dont le visage restait aussi lisse que celui d’une statue s’avérait troublant.
Lorsqu’Allen reprit la parole, Leon s’attendait à tout, sauf à l’affirmation qui suivit :
« Les grands hommes ne naissent pas dans la grandeur. Ils grandissent. »
Prononcée par la voix profonde et placide de son interlocuteur, cette réplique du film Le Parrain prenait une allure prophétique.
Leon répondit du tac-au-tac par une réplique issue de la même œuvre et adaptée aux circonstances :
« Peut-être. Mais il ne faut pas que ma mère me voit dans cet état. »
Cette fois, le visage d’Allen dépeignit clairement la surprise et montra qu’il appréciait la réponse qu’il venait de recevoir.
« Je vois que vous connaissez vos classiques, agent Kennedy. »
Leon soutint sans ciller le regard bleu gris d’Allen. Celui-ci tira la chaise de l’autre côté du bureau et s’assit face à lui.
« Maintenant, racontez moi ce qui s’est passé. Je veux les détails. Je veux que vous me racontiez tout de votre arrivée à Raccoon City jusqu’au moment où vous avez posé le pied dans ce campement en descendant du train. »
Un frisson parcourut Leon. Il se rendit compte qu’il avait froid malgré les chauffages dont bénéficiaient les tentes.
Il essaya de surpasser cette sensation inconfortable pour se concentrer sur le récit qu’il allait livrer.
Il savait où le commencer, mais comment ? Devait-il avouer qu’il avait pris ses fonctions en retard à cause d’une cuite ? La première et la dernière de sa jeune existence, mais qui l’avait probablement sauvé…
S’il avait pris son poste dans les temps, il serait arrivé à Raccoon avec un jour d’avance et se serait retrouvé en plein cœur de la tempête. Quand la contamination avait frappé la ville.
La vie ne tenait parfois à pas grand-chose tout de même.
Une rupture difficile… Quelques verres pour oublier… Et l’on passait de mauvaise recrue en retard pour son premier jour de boulot à survivant d’une apocalypse zombie.
Leon décida de garder cet épisode pour lui. Mais il restait tant d’autres choses à raconter sur sa mésaventure à Raccoon city qu’il ne craignait pas réellement que quelqu’un s’attarde sur les détails précédent son arrivée.
Pouvait-il vraiment rapporter tous les meurtres qu’il avait perpétrés en un seul jour à l’homme à la mise impeccable dans son costume de luxe installé face à lui ? Ne le verrait-il pas comme un monstre après pareilles confidences ?
Avant qu’Umbrella ne transforme les habitants de Raccoon City en créatures affamées de chair humaine, ils étaient des citoyens américains comme eux. Avec une famille, une maison ou un appartement, peut-être un travail, une voiture, un chat ou un chien et un crédit à la banque.
Des gens normaux en somme.
Leon ne parvenait pas à réaliser la quantité de contaminés qu’il avait abattus. Sans compter tous les monstres de laboratoire créés par Umbrella.
Il avait tué plus de gens en quelques heures de travail que son père en vingt ans de carrière.
Une autre réplique du Parrain lui sauta à la mémoire. Il la laissa tomber de sa bouche en même temps qu’elle lui revenait :
« S’il est une chose certaine sur terre, s’il est une chose que l’histoire nous a apprise, c’est qu’on peut tuer n’importe qui. »
Il marqua une pause, le regard hanté par des dizaines de faciès de contaminés qu’il avait éliminés.
La grimace torturée de la forme mutée de William Birkin s’imposa brutalement à ses yeux.
« Ou en l’occurrence ici, n’importe quoi. »
Et il entreprit de narrer tout ce qu’il avait vécu depuis son arrêt à la station essence aux portes de Raccoon jusqu’à son arrivée avec Sherry dans le campement.
Il n’omis que deux choses : l’existence d’Ada et Claire.
Cette dernière n’avait pas voulu monter dans le train avec Sherry et lui. Elle restait déterminée à retrouver son frère, Chris. Leon avait insisté pour qu’elle les accompagne, mais elle s’était bornée à lui répéter qu’elle avait repéré une autre sortie qui la mènerait plus près de sa prochaine destination.
Il espérait qu’elle avait pu quitter la ville avant que le Président n’ordonne la frappe nucléaire.
Allen l’écouta avec beaucoup d’attention. Il le laissa aller jusqu’au bout de son récit sans l’interrompre, puis revint avec lui sur plusieurs points qu’il souhaitait éclaircir ou approfondir. Sa diction pondérée, dans laquelle les syllabes se détachaient nettement les unes des autres, apaisait Leon. Sa voix formait un point d’ancrage rassurant pour son esprit à l’instar d’un port paisible pour un bateau rescapé d’un typhon.
Lorsqu’Allen prit congé, Leon crut qu’on allait le laisser se retirer lui aussi afin qu’il se repose.
Quelle stupide rêverie.
Un autre dignitaire de l’État rentra dans la tente et exigea qu’il répète à nouveau toute son histoire.
Quand il partit, ce fut au tour d’un haut gradé des forces spéciales, auquel succéda un autre encore, appartenant à un autre corps d’armée que son collègue.
Parfois, d’autres hommes rejoignaient l’interrogatoire en cours de route et Leon devait recommencer. On lui demandait de répéter certains passages des dizaines de fois. L’interrogeait sur des détails dont il ne se rappelait pas toujours et pour cause.
En pleine apocalypse zombie, qui aurait pris le temps de noter si les contaminés avaient conservé leurs bijoux en argent sur eux, sérieusement ?

Durant des heures, Leon répéta son histoire. Il la rabâcha jusqu’à la nausée. La raconta en commençant par la fin. En se concentrant sur les séquences avec les époux Birkin ou les adversaires qu’il avait rencontrés dans le N.E.S.T. en fonction des consignes de ses interrogateurs.
La colère le gagnait. Tous ces imbéciles ne voyaient-ils pas qu’il était fourbu et qu’il avait urgemment besoin de sommeil ? Contrairement à Allen, ils ne faisaient même pas preuve d’amabilité à son égard. Aucun d’eux ne s’était présenté, si bien qu’il ignorait à qui il parlait, et ils s’adressaient à lui comme à un prisonnier. Sans aucune considération et avec une défiance qui ne faisait même pas l’effort de se dissimuler.
À force, il finit par comprendre pourquoi on l’obligeait à répéter son histoire dans tous les sens.
Ses interlocuteurs cherchaient des failles. Des contradictions.
Ils l’empêchaient intentionnellement de se reposer. Afin d’embrouiller son esprit et de le pousser à se trahir s’il leur cachait des choses.
La colère enfla dans le ventre de Leon.
« Vous avez fait bien plus que votre devoir à Raccoon City, agent Kennedy », dit l’un des militaires qui l’interrogeaient alors que Leon achevait de raconter pour la quinzième fois son affrontement avec l’alligator géant dans les égouts.
La réplique fusa comme une balle hors de sa bouche :
« Alors pourquoi me traitez-vous comme un suspect ? Cela fait des heures que je suis assis là et que j’ai droit à un véritable défilé de gens qui me demandent de répéter des faits que j’ai déjà racontés 100 fois. Quel est le but de tout ça ?
– Nous appartenons à des institutions gouvernementales différentes, Kennedy », répondit un autre homme à la figure revêche. « Chacune veut disposer de sa propre version de votre témoignage.
– Et ça ne peut pas attendre demain, sachant que j’ai déjà tout déballé dans les détails à l’officier Allen ? »
Le manque de sommeil diminuait drastiquement sa patience. Seul son respect de l’autorité qu’il avait hérité de son éducation le retenait de se montrer grossier.
« Vous avez vécu quelque chose sans précédent dans l’histoire des États-Unis. À cette occasion, vous en avez beaucoup appris sur l’existence d’armes biologiques que le Gouvernement souhaitait garder secrètes.
– Beaucoup appris », renchérit un autre homme.
À cet instant, Leon comprit qu’il n’était peut-être pas véritablement sauvé, en fin de compte.
***
Il enrageait.
Mais sous sa rage boursouflait une frayeur grandissante.
Lorsque les militaires avaient enfin décidé qu’ils en savaient assez, ils l’avaient fait prisonnier.
Leon ne comprenait pas pourquoi on le plaçait lui en détention alors qu’il faisait partie des victimes.
C’était les types d’Umbrella qu’il fallait enfermer ! Pas lui.
Le sentiment d’injustice et la colère qu’il éprouvait laissèrent bientôt place à la peur.
S’il s’était attendu à être encellulé par les forces de son propre pays… Alors qu’il venait de risquer sa vie en essayant de sauver une ville entière d’une menace bioterroriste inconnue…
Se pouvait-il que sa vie soit menacée par les secrets d’État qu’il avait découverts par mégarde à Raccoon City ?
C’était donc comme ça que l’oncle Sam récompensait les altruistes patriotes ?
On ne lui avait même pas laissé passer un appel pour rassurer sa famille. On aurait au moins pu le laisser leur envoyer un SMS. Une seule phrase brève, tout va bien, je suis vivant et en sécurité.
Son cœur se contractait douloureusement quand il songeait à ses parents et à sa jeune sœur. D’affreux tourments devaient les persécuter à cette heure.
Une télévision diffusait les informations en continu quelque part dans le camp. Raccoon City occupait toute la place dans l’actualité, comme les attentats du World Trade Center en leur temps. Chaque fois, les journalistes apportaient la même précision.
Aucun survivant.
Le Gouvernement savait pourtant qu’il y en avait au moins deux : lui-même et Sherry Birkin.
Leon s’inquiétait pour la petite fille. Quel sort les militaires lui réservaient-ils ? Il ignorait où ils l’avaient emmenée et son avenir ne lui paraissait guère plus enviable que le sien. Elle avait assisté aux mêmes horreurs que lui. Avait éventé les mêmes secrets d’État et peut-être davantage encore compte tenu de l’identité de ses parents.
Plus les heures défilaient, plus la plus odieuse des vérités s’imposait à l’esprit du jeune policier.
Si l’État laissait dire partout à la télévision qu’il n’y avait aucun survivant, c’est qu’il ne voulait aucun survivant.
Théorie qui affolait le cœur et les sens de Leon comme s’il était une bête prise dans un piège à loup qui entend mugir le cor et se rapprocher les aboiements de la meute.
Le confort de sa cellule était dès plus spartiates. Son lit n’était qu’un simple lit en métal recouvert d’un matelas fin comme peau de chagrin, mais personne ne le maltraitait. On le nourrissait même correctement, deux fois par jour. Pourtant, aucun de ses gardiens ne daignait lui répondre lorsqu’il demandait ce qu’il était censé attendre exactement ni combien de temps on le forcerait à patienter ainsi.
La méfiance et l’anxiété le dévoraient. Il tournait dans sa prison comme ces félins que l’on voit arpenter leur minuscule cage en long et en large dans les parcs zoologiques. L’air fébrile, plein d’une folle désespérance et quelque peu hagard. Comme s’ils étaient résignés à leur captivité mais aussi incapables d’y croire. Encore plus de s’y accommoder.
Durant les années à venir, Leon apprendra à contrôler tous ces signes du corps qui trahissent la nervosité. Jusqu’à la sueur qui voile le front à mesure que s’accélèrent les battements du cœur dans la montée du stress. Mais le bleu qu’il était à cette époque en aurait été incapable même s’il l’avait voulu.
Chaque fois que quelqu’un pénétrait dans sa cellule, Leon se raidissait, sur le qui-vive. Prêt à parer un coup de couteau ou à tenter d’esquiver une balle.
Car il était de plus en plus convaincu que son propre pays, ses propres concitoyens pour lesquels il aurait risqué sa vie à Raccoon City, s’apprêtaient à l’exécuter pour l’empêcher de divulguer ce qu’il avait vu. Il ne voyait pas d’autre explication à sa situation. Pas d’autres issues. Même s’il ne comprenait pas pourquoi ceux qui avaient ordonné de l’incarcérer n’avaient pas directement exigé sa mort.
Claire avait été bien inspirée de prendre un autre chemin. Leon regrettait de ne pas l’avoir suivie. Mais jamais il n’aurait pu imaginer que le Gouvernement les trahirait, Sherry et lui.
Quand, après quatre jours de cette déroutante détention, un soldat vint le chercher et l’invita à le suivre, arguant que Grady Allen l’attendait pour lui parler dans la tente voisine, Leon hésita.

Si c’était un piège pour l’attirer vers le lieu de son exécution ?
Possible. Mais quel autre choix avait-il ? Celui de refuser tout net de sortir de sa cellule et s’accrocher aux barreaux de son lit en braillant qu’il ne voulait pas y aller ? Au risque qu’on ne le traîne de force comme un enfant récalcitrant à se coucher ?
Impensable.
Il ne déshonorerait pas le nom de Kennedy en se comportant comme un froussard.
Et si Grady Allen se trouvait véritablement au bout du chemin, peut-être existait-il une lueur d’espoir. Peut-être qu’Allen le rassurerait en lui apprenant que son isolement n’avait été dicté que par des mesures élémentaires de prudence. Afin de s’assurer qu’il n’avait pas été infecté par le virus G et qu’il ne risquait pas de contaminer d’autres personnes par exemple.
Son intuition soufflait toutefois à Leon qu’il était trop optimisme, à la limite de l’utopisme, en se raccrochant à ce genre d’hypothèse.
Mais de toutes les huiles que Leon avait rencontrées depuis son arrivée dans le campement, Allen était l’homme qui lui avait inspiré le plus confiance.
Avec le même courage que celui dont il avait fait preuve dans les rues maudites de Raccoon City, Leon emboîta le pas au soldat vers l’inconnu.
Un inconnu potentiellement funeste.
***
Allen l’attendait dans la pièce qui avait servi de cadre à ses interrogatoires le premier jour. Une cafetière automatique avait été installée sur un meuble en bois derrière le bureau. Lorsqu’il entra, Allen se servait du café dans une petite tasse blanche en porcelaine que Leon aurait trouvée plus à sa place dans le salon d’une dame que dans une tente militaire.
Allen l’invita d’un geste à prendre place sur la chaise qu’il avait occupée quatre jours plus tôt.
Leon obéit, fébrile. L’angoisse nouait sa gorge et pulsait dans son ventre. Même son cœur contracté et douloureux lui semblait battre péniblement.
« Vous tirez une tête à effrayer les morts », fit remarquer Allen avec une ébauche de sourire.
« Je devrais rendre grâce au ciel pour cette capacité. C’est peut-être ce qui m’a sauvé à Raccoon. »
La répartie élargit le sourire d’Allen.
« Vous gardez la tête assez froide pour plaisanter malgré la pression qui pèse sur vos épaules. Et Dieu sait si elle doit être forte en ce moment. N’est-ce pas ?
– Oui », souffla Leon.
Il n’était pas certain d’avoir voulu faire de l’humour en vérité. Cela avait peut-être été son intention, mais son ton était demeuré sérieux, serré par l’anxiété. Ce qui, supposait-il, avait dû donner à sa réplique un tour pince-sans-rire.
Debout devant le meuble qui supportait la cafetière, Allen l’étudia quelques instants.
La proposition tomba sans crier gare, affable :
« Désirez-vous un café ? »
Leon bafouilla, pris de cours.
« Euuuh… Oui. Merci. »
Il ne s’attendait pas à ça.
On ne proposait pas un café à un homme qu’on comptait exécuter, non ?
Pendant les quarante secondes suivantes, le vombrissement de la cafetière occupa seul l’espace sonore.
Allen déposa la tasse remplie à ras bord d’un café mousseux devant Leon en disant :
« Vous êtes chanceux, agent Kennedy.
– Vous trouvez ? » répliqua Leon avec une spontanéité surprise.
Lui n’aurait pas qualifié de « chanceux » un jeune homme tout juste sorti de l’école obligé de gérer une apocalypse zombie dès son premier jour de travail.
Les yeux perçants d’Allen le dévisagèrent intensément.
« Je suppose que vous avez eu le temps de réfléchir depuis votre arrivée ici. »
Leon faillit lui demander « à quoi vouliez-vous que je réfléchisse précisément » ? Il avait eu tant de sujets de spéculations dans sa prison ! Est-ce qu’on l’enfermait parce qu’on le soupçonnait d’être porteur du virus G malgré le retour négatif des tests effectués à son arrivée ? Voulait-on l’empêcher de donner des nouvelles à ses proches pour laisser la population dans la croyance que Raccoon City n’avait laissé aucun survivant ? Pensait-on à l’abattre pour éviter tout risque de contamination ou parce qu’on voulait éviter qu’il ne divulgue des secrets d’État ?
Entre les deux hommes qui se toisaient, l’un solennel et l’autre vaillant mais terrifié, les secondes défilaient, oppressantes et lourdes.
Au bout d’un temps interminable, Allen ajouta :
« Vous avez beaucoup appris sur l’existence des armes biologiques que le Gouvernement souhaitait garder secrètes, Kennedy. »
Leon se raidit. La façon dont tous ses interlocuteurs prononçaient ces deux mots, beaucoup appris, ne lui plaisait pas. En appuyant plus que nécessaire sur chaque syllabe. Comme s’il s’agissait d’un code tacite entre eux. Un code qui impliquait des conséquences dramatiques dont ils tenaient qu’il ait conscience.
« J’ai cru comprendre, oui… », dit Leon d’une voix étranglée malgré ses efforts pour paraître calme.
Allen laissa planer un nouveau long silence.
Lorsqu’il reprit, Leon retenait son souffle :
« Si je dis que vous êtes chanceux, c’est parce que vous suscitez l’intérêt d’une agence militaire secrète comme étant un individu rare, Monsieur Kennedy. Vous êtes un survivant de Raccoon City avec une expérience de combat contre les A.B.O., d’excellentes compétences de survie, de la force physique et une capacité de prise de décision.
– Les A.B.O. ? » répéta Leon, cherchant à percer le sens de l’acronyme.
« Les Armes Bio-Organiques créées par des sociétés comme Umbrella.
– Vous voulez dire qu’Umbrella n’est pas la seule à se livrer à ce genre d’expériences ?
– Malheureusement, non. Elle a essaimé. »
Des frissons parcoururent Leon alors que son estomac se contractait.
« Alors tout peut recommencer ? » demanda-t-il après un petit temps.
La nouvelle s’annonçait difficile à digérer.
La réponse d’Allen tomba, grave :
« Oui.
– Vous n’avez pas encore pu démanteler Umbrella ?
– Cela se fera devant les tribunaux, mais nous n’en sommes pas là. Nous devons d’abord réunir suffisamment de preuves pour alimenter le dossier à charge. Mais je crains que la plupart n’aient été détruites par la frappe nucléaire ordonnée par le Président Graham.
– Il n’avait pas le choix.
– Non, en effet. C’était ça ou prendre le risque que le virus G se propage ailleurs en Amérique. Et nous ignorons encore si les oiseaux peuvent le contracter.
– Les rats le pouvaient. Ce sont eux qui ont propagé le virus en ville.
– Je sais, opina Allen. Vous nous l’avez dit lors de votre interrogatoire. »
La remarque suscita la confusion chez Leon. Il ne se rappelait pas avoir mentionné cet élément.
La mémoire lui revint d’un coup. Il se souvint avoir parlé des rats contaminés échappés du laboratoire lorsqu’il avait rapporté le contenu des cassettes de vidéosurveillance qu’il avait visionnées.
Cela lui semblait déjà si lointain…
Ces souvenirs étaient-ils réellement les siens ? Il avait l’impression qu’ils appartenaient à quelqu’un d’autre.
« Vous êtes éprouvé par les événements des derniers jours. »
Allen posait moins une interrogation qu’un constat. Il poursuivit du même timbre posé, placide :
« Je le comprends. Votre histoire a déjà fait le tour du campement et j’ai peur que vous ne soyez entré dans la légende des régiments sous un piteux surnom.
– Les autres m’ont donné un surnom ? » demanda Leon, surpris.
– « Le Bleu Malchanceux. »
Un rictus de dérision amer incurva les lèvres de Leon. Quitte à entrer dans les mythes des casernes, il aurait préféré que ça soit avec un surnom plus glorieux. Mais au moins, celui-ci témoignait de la compassion que ses collègues ressentaient pour lui.
« C’est vrai que vous n’avez pas eu de chance, agent Kennedy. Jusqu’à ce que des gens haut placés me mettent sur votre route.
– Comment ça ? »
Leon le considérait avec méfiance à présent. La peur revint lui ronger le ventre, insidieuse.
« Comme je vous le disais, vous en avez beaucoup appris à Raccoon City. Bien trop pour un flic de votre rang, en vérité. Mais vous avez démontré des qualités remarquables malgré votre inexpérience et le caractère tout à fait exceptionnel de la situation. C’est pourquoi l’agence militaire qui m’engage souhaite vous proposer de travailler pour elle. »
Leon devinait qu’il était inutile de lui demander davantage d’informations sur cette agence. Son fonctionnement comme son existence ne devaient être dévoilés qu’aux membres recrutés.
Ce qui voulait dire que ses pires craintes restaient fondées.
Si jamais il refusait…
Ses angoisses remontèrent à la surface d’un coup.
« Je suppose que cette proposition cache en réalité une obligation », dit-il, la voix trémulante.
Son cœur battait à coups sourds dans sa poitrine. Comme si son corps se démenait pour lui faire garder contact avec la réalité dont son esprit essayait de se détacher. Leon éprouvait l’une des sensations les plus étranges qu’on puisse ressentir en état d’éveil. Il sentait le bois de la chaise sous lui, le sol sous la semelle de ses chaussures, mais dans le même temps, il avait également l’impression que toutes ces sensations ne lui appartenaient pas, que ce corps n’était pas le sien. Qu’il l’observait de haut comme s’il était un fantôme flottant dans la pièce épiant la conversation entre deux mortels.
Allen eut un sourire d’approbation. Pas l’un de ses sourires affables auxquels il l’avait habitué. Celui-là ressemblait plus à une grimace carnassière qui le montrait à Leon sous un tout autre jour.
« Je vois que vous avez compris. Il vous est toujours possible de refuser mon offre, mais cela ne sera pas sans conséquence… Ce sera votre cervelle ou votre signature qui paraphera le contrat. »
Décidément, Le Parrain semblait promis à devenir le film symbole de sa relation avec Allen. Leon aurait pu en savourer immédiatement l’ironie s’il n’était pas terrifié par ce choix qu’on ne lui laissait pas réellement.
« Notre agence, l’Anti-Umbrella Pursuit and Investigation Team (AUPIT), est une cellule spéciale établie dans l’United States Strategic Command (STRATCOM) placée sous le contrôle direct du Président des États-Unis. Imaginez un peu la promotion que cela représente alors que vous n’avez que 21 ans et à peine eu le temps d’exercer quelques heures en tant que flic ! »
Comme Leon restait mutique, Allen tenta d’embraser la flamme de son patriotisme :
« Ne désirez vous pas vous venger de ceux qui ont conduit à la destruction de Raccoon City, Monsieur Kennedy ? »
Il n’obtint pas davantage de réponse. Leon n’était plus réellement présent, happé par les souvenirs de ces derniers jours et par la frousse que lui inspirait l’avenir dangereux qu’Allen lui faisait entrevoir.
La tragédie qu’il avait vécue à Raccoon City avait déclenché en lui un fort ressentiment envers Umbrella et le bioterrorisme. Mais tout ça était tellement frais… Il n’était pas certain d’avoir la force ni la volonté de retourner de si tôt se confronter aux monstruosités d’Umbrella.
Dans son malheur, il avait la chance d’avoir survécu cette fois-ci. Qui lui garantissait qu’il serait capable de renouveler l’exploit ne serait-ce qu’une seconde fois ?
« Alors, Monsieur Kennedy ? Pourquoi tant d’hésitation ? Si je vous dis qu’accepter mon offre garantirait la sécurité de la petite fille que vous avez accompagnée jusqu’ici, cela vous déciderait-il ? »
Leon releva les yeux de la tasse de café qu’il n’avait pas touchée depuis qu’Allen l’avait posée devant lui.
« Vous me faites du chantage sur la vie d’une enfant ? »

Son indignation faillit le laisser traiter Allen de salopard. Il retint l’insulte à grande peine parce que cet homme semblait posséder tout pouvoir sur sa vie et sur celle de Sherry, mais les tremblements qui le secouaient n’étaient plus seulement imputables à la peur.
Il vibrait de colère.
Qu’on puisse s’en prendre à une enfant le dépassait totalement. Il s’agissait à ses yeux de l’un des crimes les plus abjects. L’image de Kate qui se superposait à celle de Sherry aggravait la sévérité de son jugement.
Quel genre d’ordure faisait d’une gamine un objet d’intimidation ?
« Cette petite est la fille de William et d’Annette Birkin, deux des scientifiques responsables de la destruction de Raccoon City. Nous l’avons placée en détention préventive pour le moment – une détention adaptée à ses besoins, bien entendu. Nous hésitons toutefois encore sur le sort qu’il convient de lui réserver alors qu’elle détient tant de secrets… Votre coopération pourrait m’aider à convaincre le Président qu’elle ne représente pas un danger pour la sécurité nationale.
– Fumier. »
Allen fut secoué d’un rire qui paraissait sincère.
« Quelque chose me dit que nous allons bien nous entendre, Monsieur Kennedy.
– Parce que vous trouvez que j’ai une tête de salopard ? »
La provocation ne fit qu’élargir le sourire d’Allen.
« Alors, c’est d’accord ? »
***
La Cadillac Fleetwood noire s’arrêta devant une maison blanche que Leon connaissait bien dans un quartier résidentiel américain du Tennessee.
Les fenêtres sans volets laissaient échapper la lumière blanchâtre d’un téléviseur.
Mike et Kathleen Kennedy regardaient-ils le journal télévisé dans l’espoir d’apprendre quelque chose de nouveau sur la tragédie de Raccoon City et le sort de leur fils ? Kate était-elle auprès d’eux ou se réfugiait-elle dans sa chambre pour digérer la nouvelle de la perte de son grand frère ?
La voix d’Allen s’éleva à la gauche de Leon sur la banquette arrière qu’ils occupaient ensemble.
« Allez-y. Vos parents doivent se faire un sang d’encre. »
Leon lui jeta un regard mauvais. Quelle enflure ! C’était à cause de lui et de ses petits copains au Gouvernement si ses parents étaient dans tous leurs états parce qu’ils le croyaient mort.
Il serra les poings et se concentra sur la sensation de pression dans ses paumes afin d’empêcher sa langue de trahir ses pensées.
Allen ne parut remarquer aucun de ces signes d’animosité dans l’obscurité qui noyait l’habitacle du véhicule. D’un signe de tête, il lui demanda de quitter la Cadillac.
Leon s’en extirpa sans se faire prier. Mais quand il se retourna pour refermer la portière, il constata qu’Allen la tenait déjà.
« N’oubliez pas notre petite discussion, Kennedy », dit-il, son regard planté droit dans le sien. « Je vous enverrai bientôt des nouvelles de l’enfant. »
Puis il claqua la portière et la voiture gouvernementale vrombit.
Leon la regarda s’éloigner, la tête en bataille et le ventre noué.
Il avait accepté l’offre d’Allen. Pour assurer sa propre sécurité et celle de Sherry.
Mais plus les heures passaient, plus l’optique de devoir se confronter à nouveau aux abominations d’Umbrella dans un avenir plus ou moins proche le rendait nauséeux.
Il désirait toujours arrêter les responsables de la destruction de Raccoon City, mais il se sentait trop peu à la hauteur de la tâche. Mentalement et physiquement.
Parce qu’il gardait à l’esprit que sans Ada, il y serait resté.
Au moins deux fois.
Et Ada était morte. Il n’avait pas pu la sauver.
Il allait rentrer chez lui ce soir. Le cœur de ses proches éclateraient de joie de le voir. Mais au fond, ce n’était qu’un sursis. Il n’avait fait que repousser l’échéance.
Leon regrettait presque de ne jamais avoir évoqué Ada durant ses interrogatoires. Le Gouvernement aurait certainement été plus prompt à le liquider qu’à l’engager s’il l’avait fait, mais au moins n’éprouverait-il pas la sensation inconfortable d’être un imposteur.
Il se tourna vers la façade si familière de la petite maison blanche pourvue d’un étage.
Aurait-il la force de sourire et de feindre la gaieté devant sa famille alors que le Gouvernement américain le menaçait de mort ?
Leon aurait aimé que ce retour chez lui soit synonyme d’allégresse et de soulagement. Mais l’angoisse et la pression des derniers jours écoulés et la perspective des épreuves à venir gâchaient les réjouissances qui s’annonçaient.
Ses proches penseraient que tout était fini. Alors que tout ne faisait que commencer en vérité.
Mais il ne pourrait pas le leur dire. Il ne pourrait pas leur parler de ce qu’il avait vu dans l’enfer de Raccoon. Du moins pas dans les détails s’il ne voulait pas que leurs tempes à tous soient traversées par une balle de part en part un de ces jours.
S’imaginer regarder son père, sa mère et sa sœur droit dans les yeux en devant simuler de partager leur soulagement et leur joie alors que tout en lui n’était qu’anxiété et chaos intensifia sa nausée.
Mais il ne pouvait pas rester planté devant la maison indéfiniment.

Leon marcha jusqu’à la porte, frappa.
Et entra.
Le silence qui suivit son irruption ne dura que quelques secondes.
Un cri perçant retentit avant qu’une tornade blonde ne se jette dans ses bras.
Les bruits de la télévision s’estompèrent, submergés par les sanglots de sa sœur.
***
Leon pensait qu’il n’existait rien de plus cauchemardesque que les créations monstrueuses d’Umbrella.
Mais ça, c’était avant de rencontrer des journalistes.
Sitôt que la nouvelle s’était propagée qu’un homme était parvenu à fuir Raccoon City, ils avaient débarqué en meute devant le domicile des Kennedy et se ruaient sur quiconque entrait ou sortait pour l’assaillir de questions.
De parfait inconnu, Leon était devenu une célébrité nationale du jour au lendemain. De « Monsieur tout le monde », son statut était passé à « Leon Kennedy, le survivant de Raccoon City ».
« Ça commence à bien faire, ce ramassis de pisse-copies ! », avait tempêté Mike après avoir dû sortir pour écarter les journalistes du chemin de sa fille qu’ils empêchaient d’accéder à la maison. « Jamais vu une bande de chacals pareille. Ils ne peuvent pas nous laisser tranquilles ? »
Il s’était tourné vers Leon.
« Tu leur as déjà dit plusieurs fois que tu ne voulais pas leur parler. Tu as essayé le mandarin ? Au point où on en est, ce serait peut être plus efficace que l’anglais.
– Je suis désolé… » avait commencé Leon, mais son père l’avait interrompu aussitôt.
« T’excuse pas, ce n’est pas de ta faute si cette bande d’ânes est à tes trousses. Ils veulent faire leur beurre sur ton dos en collant du sensationnel dans leurs feuilles de merde. Surtout, continue à ne pas leur donner satisfaction. »
Leon opina sans dire qu’il avait déjà reçu la même consigne de la part de ses contacts au Gouvernement. Plus qu’une consigne, c’était même une défense absolue de répondre aux sollicitations de la presse qui lui avait été faite.
« Laissez notre service de communication gérer ça », lui avait ordonné Allen lors de l’une des visites qu’il lui avait faites entre son retour chez lui et le début de sa formation d’agent du Gouvernement.
« Et ça vaut aussi pour nous trois, avait ajouté Mike Kennedy en se tournant vers sa femme et sa fille. Que je surprenne une seule personne de cette maison en train d’adresser la parole à ces mange-merdes et je vous préviens, je ne réponds plus de rien. »

La pression médiatique avait fini par retomber. En partie parce que le Gouvernement avait sciemment éloigné Leon en l’affectant chez les Marines.
L’entraînement qu’il suivit sous le chapeautage de Jack Krauser le transforma d’une simple recrue de la police en un agent spécial expert. Il développa des compétences dans le maniement d’armes à feu et le combat au corps à corps, excellant particulièrement dans le combat au couteau.
Il s’illustra au cours de plusieurs missions pendant ses deux années de formation.
Le succès de l’opération Javier menée en équipe avec son mentor acheva d’écrire sa légende dans la police et l’armée américaines.
Passer du « bleu malchanceux devenu héros malgré lui » à « meilleur agent du monde » d’après l’administration américaine renforça son aura et sa popularité dans l’opinion publique.
Un statut qui n’allait pas sans son lot d’ennemis plus ou moins acharnés à le perdre.
Parmi ceux-ci figurait Herman Carter. Un brillant psychiatre engagé par la CIA en 2006 afin d’intégrer le programme de neurosciences appliqué dans un site classé secret en Illinois. À l’Institut de la Mémoire de Léry, le Gouvernement tentait depuis plusieurs années de mettre au point un procédé de contrôle mental qui faciliterait les interrogatoires des espions et des prisonniers de guerre.
En conséquence, les « patients » de l’Institut n’étaient pas issus du commun des mortels. Il s’agissait de prisonniers condamnés à mort ou à la perpétuité transférés dans l’établissement afin de devenir des sujets de tests.
C’est précisément là qu’intervenaient Carter et son mentor, le Dr. Otto Stamper.
Ce dernier encouragea Carter à ne pas considérer l’Institut comme une structure médicale normale et à aller plus loin dans ses méthodes de travail. Puisqu’ils jouissaient de la protection de l’État en agissant pour son compte, pourquoi s’encombrer de règles et de principes éthiques qui ne feraient que retarder le bon déroulement du programme ?
Carter le prit au mot.
Le projet Réveil prit forme. Sur le papier, Carter le décrivit comme une « interrogation expérimentale » qui ne tarda pas à recevoir l’approbation de l’administration.
Pendant plusieurs années, on le laissa vaquer à ses expériences dans le secret de son laboratoire sans jamais l’interroger sur les cris et les gémissements qui en émanaient. Les prisonniers détenus dans l’établissement suppliaient les gardes de les confier à un autre médecin que le Dr. Carter, mais personne parmi le personnel de l’établissement ne voulait s’intéresser de trop près à son protocole expérimental. D’une part parce que Carter avait la réputation d’être acariâtre, d’autre part parce que son traitement électro-convulsif donnait d’excellents résultats. Sous son scalpel, les prisonniers de droit commun avaient rapidement été remplacés par des espions et d’autres personnages reconnus dangereux pour la sécurité nationale.

Au fil des années, Carter devint connu sous le nom du Docteur et la CIA ne demanda jamais ce qu’il advenait des prisonniers après qu’ils aient livré leurs secrets.
Jusqu’au jour où l’Institut devint totalement silencieux. Alarmé par ce brusque mutisme, le Gouvernement dépêcha une équipe d’intervention sur place parmi laquelle comptaient Krauser et Leon.
Ce qu’ils découvrirent là-bas dépassait de loin tous les films de science-fiction horrifiques jamais imaginés par l’esprit humain.
L’extraction expérimentale d’informations perpétrée par Carter s’était transformée en un véritable massacre. La totalité des prisonniers de l’Institut furent retrouvés morts ou dans un état végétatif. Tous présentaient de sévères traumatismes crâniens.
Mais la scène qui marqua le plus Leon fut celle qui s’offrit aux yeux de Krauser et aux siens lorsqu’ils poussèrent la porte du Directeur de l’établissement.
Le Dr. Otto Stamper lui-même gisait allongé sur le dos sur son bureau, la tête ouverte par une découpe circulaire qui constituait clairement la marque d’une trépanation. Un ensemble d’électrodes et de capteurs recouvraient son cerveau exposé à l’air libre.
Leon avait sursauté en se rapprochant pour examiner ce qu’il pensait être un cadavre.
Les yeux de Stamper s’étaient braqués sur lui. Ils hurlaient en silence toute la peur et la souffrance qui le bouffaient depuis plusieurs heures – peut être plusieurs jours.
Leon en était resté pantois.
Carter avait réussi à maintenir en vie cette homme pendant qu’il le torturait à coups d’électrochocs après lui avoir dénudé la cervelle. La maîtrise technique et émotionnelle que requérait un tel exploit l’impressionnait autant qu’elle le préoccupait.
Quel genre de psychopathe fallait-il être pour en être capable ?
Et comment Stamper avait-il pu survivre ainsi jusqu’à l’arrivée de l’équipe d’intervention ?
Krauser l’avait achevé d’une balle entre les deux yeux. « Par miséricorde ».
Leon et lui n’étaient pas médecins, mais personne n’en avait besoin pour comprendre que Stamper était condamné dans tous les cas. Les électrochocs avaient gravement endommagé ses nerfs et sa moelle épinière. Il était paralysé.
Ils arrivaient trop tard.
D’Herman Carter lui-même, ils ne retrouvèrent aucune trace. Mais le contenu de ses dossiers suggérait qu’il avait utilisé les prisonniers dans un protocole qui s’apparentait plus à de la torture pure et dure qu’à une démarche scientifique expérimentale dans sa recherche du contrôle mental suprême.
Confrontée aux preuves accablantes rassemblées par l’équipe d’intervention, la CIA nia avoir jamais eu connaissance des agissements du Dr. Carter.
Le site classé secret défense fut fermé et toute mention à l’Institut de la Mémoire de Léry fut effacée de l’ensemble des documents officiels. On le supprima également des bases de données gouvernementales.
Excédé par ce dérapage de la CIA qui se révélait soit coupable de négligence, soit coupable d’aveuglement volontaire sur ce qui se passait à Léry, le Président des États-Unis demanda à Allen de lancer ses meilleurs agents sur la piste du Docteur afin de le neutraliser.
Leon et Krauser furent désignés pour cette tache.
Ils retrouvèrent sa piste en Floride mais un piège de leur cible les sépara.
Pour la première fois depuis le début de sa formation, Leon dû poursuivre la mission seul.
Et démontra une fois encore d’extraordinaires capacités de survie.
Non seulement il retrouva le Docteur et parvint à le neutraliser à l’issue d’un dangereux affrontement, mais il réussit également à mettre au jour son nouveau laboratoire et le fruit de ses dix dernières années de recherches. Le Gouvernement n’eut plus qu’à rafler le tout.
Carter fut envoyé dans l’une des prisons secrètes de la CIA avant sa prochaine exécution.
La haine qu’il éprouvait envers Leon ne fit qu’augmenter au fil des jours passés reclus dans sa cellule. Il n’avait plus qu’une seule idée en tête, une seule obsession : se venger du nom de Kennedy.
L’opportunité lui en fut donné six mois plus tard. Ou plutôt, il la saisit dès le soir de son évasion.
Quelle plus belle vengeance que celle qui détruit toute une famille ?

Merci une nouvelle fois pour votre intérêt pour cette fanfiction ♥
Restez à l’affût ! Le prochain chapitre dévoilera la façon dont Le Docteur s’est vengé de Leon.
@ bientôt quelque part !
Chris
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