À Danny

« Mais le monde a changé,
Il s’est déplacé
Quelques vertèbres »

Aucun autre mot n’aurait pu mieux imager le sentiment qui m’habite depuis ce 6 février 2024, jour de ton départ, mon Danny.

Ces mots qui sont ceux de ton bien aimé Julien Doré dans La Fièvre, je les ai entendus lors de la cérémonie précédant ta crémation. Et comment ne pas être d’accord avec eux ?

Le monde n’est effectivement plus le même sans toi.

Sans ton sourire bienveillant, toujours prêt à lâcher un trait d’humour dont toi seul avais le secret.

Sans tes yeux brillant de malice et de cette profonde intelligence qui m’a toujours bluffé.

Mon monde sans toi semble condamné à marcher de guingois. Parce que ta brutale disparition l’a réellement privé de l’une de ses vertèbres. Comme celui de beaucoup d’autres gens.

Et Dieu sait si tu en as marqué, des gens !

Tes proches mais aussi toutes les personnes dont le passionné de bus et de taxis anglais que tu étais a croisé la route au cours de ses pérégrinations à travers la France et l’Angleterre. Autant d’esprits impressionnés par tes connaissances et touchés par ta bonté, ta patience, ta générosité.

C’est vrai, Danny, que toute [t]a grande famille a le cœur tout chamboulé.

Comment aurions nous pu imaginer que les aléas de l’existence nous arracheraient ta présence chaleureuse si réconfortante ?

Tu étais de ces hommes qui redonnent foi en l’humanité. De ces cœurs à la flamme desquels l’âme aime se réchauffer.

Et probablement l’homme le plus bienveillant et le plus attachant que j’ai rencontré à ce jour.

Depuis ce 6 février 2024, je me sens orphelin.

Je n’ose imaginer la douleur de Kevin et David, tes fils. Ces fils pour lesquels tu me confiais si souvent t’inquiéter… Mais sois tranquille, mon Danny. Ils ne sont pas seuls. Tous les gens extraordinaires que tu as fédérés autour de toi les entourent. Nous sommes là, nous ne les laisserons pas tomber.

Je mettrais toujours un point d’honneur et autant de cœur à les aider que si je t’aidais toi directement.

Tu m’as tant soutenu…. Tu as été d’une telle générosité avec moi, d’un tel réconfort…

Je ne pourrais jamais rembourser la dette d’humanité que j’ai envers toi. Toi qui – et je suis désolé si tu me lis, papa, mais la réalité est ce qu’elle est – a été bien plus présent et soutenant ces dernières années que mon propre père.

Jamais je n’avais imaginé une seconde un monde sans toi, mon Danny. Pas si tôt.

Bien sûr, je sais que personne n’est éternel. J’ai toujours eu conscience qu’un jour, il me faudrait te dire au revoir. Mais dans mon esprit, tu fêtais mes 40 ans et même mes 50 ans à mes côtés. Tu voyais la fin de toutes mes galères, mes victoires sur tous ces combats que je mène contre ce monde qui m’en fait voir de toutes les couleurs depuis des années et qui m’épuise.

Le sort en a hélas décidé autrement. Et comme chaque fois que l’on perd un être cher, je fais la rétrospective de notre relation.

De notre première rencontre, tu étais le seul à te souvenir. Et pour cause, j’avais 6 ans lorsque nous nous sommes vus pour la première fois. Tu étais venu récupérer tes fils à la fin de ma fête d’anniversaire. Rien ne présageait alors l’amitié foudroyante qui allait nous réunir deux décennies plus tard au-delà des générations.

Tu avais 58 ans lorsque nous nous sommes véritablement découverts – ou redécouverts. J’en avais 25.

Tu en avais 66 le jour de ton décès. J’en ai 32.

Autant dire un enfant à côté de toi. Tu me le disais d’ailleurs parfois avec beaucoup d’indulgence et cette tendresse fine qui te caractérisait.

Je te revois encore debout dans mon entrée, qui me tend le tout dernier présent que tu m’as fait.

Un calendrier de l’année 2024 agrémenté de posters de dinosaures.

Tu avais le chic pour choisir des cadeaux qui feraient réellement plaisir aux personnes auxquelles tu les destinais.

Tu étais tombé juste une fois de plus.

Avec le recul, je ne peux pas m’empêcher de remarquer l’ironie de ce dernier cadeau. Le Destin devait bien se rire de nous.

Ou peut-être était-ce une autre de tes blagues. J’ai toujours adoré ton goût prononcé pour l’humour noir.

Cette fois cependant, permets-moi de te dire que m’offrir le calendrier d’une année que nous ne passerions pas ensemble fut ta plus mauvaise vanne.

Que vais-je faire maintenant ? Qu’allons nous faire, tous, privés de ta gentillesse qui confinait parfois à l’abnégation, de ta belle sensibilité, de ton humanité ?

Beaucoup de souvenirs émergent à la surface de ma mémoire troublée par la douleur tandis que j’écris ces lignes.

Je revois mon père, ce fier Corse de 71 ans, secoué de sanglots devant ton cercueil. Chancelant tandis qu’il en répand sur la surface des pétales de roses…

C’est une image que je n’oublierai jamais.

Dorénavant, papa ne pourra plus évoquer ton nom sans avoir les larmes aux yeux. Comme moi, comme tout un chacun, il a ses défauts, mais s’il y a une chose dont nous n’avons jamais douté toi et moi, c’est la sincérité de son affection pour toi.

Un jour, si le cycle naturel de la vie suit son cours normal, ce sera à lui qu’il me faudra dire adieu. Mais cette fois, tu ne seras pas là pour me soutenir comme tu l’as toujours fait dans toutes les épreuves que j’ai traversées ces dernières années, et cette idée me paraît bien étrange.

Tu as été si présent pour moi que je peine à admettre qu’il me faudra mener mes prochains combats sans toi.

De ton vivant, je ne redoutais rien car tu étais là, quelques pas derrière moi, prêt à surgir à mes côtés sitôt que je commençais à vaciller.

Plus qu’un ami, tu as été un protecteur. Et quel protecteur.

Je donnerai tout pour pouvoir te serrer encore une fois dans mes bras.

Nos conversations tantôt légères, tantôt sociologiques et philosophiques, me manqueront au-delà de tout ce qui est imaginable.

Nous sommes si peu de choses, nous les humains… Si vite disparus, si vite engloutis dans la fresque tumultueuse des époques qui se succèdent, des siècles qui filent en un éclair, des civilisations qui naissent et qui meurent à la vitesse de l’éclosion puis de la fanaison d’un arum à l’échelle de l’univers.

C’est cette conscience de la fugitivité de nos existences qui me pousse à prendre facilement dans mes bras les gens que j’apprécie, qu’ils me soient proches ou non.

Parce que j’aime sentir notre humanité à travers ces étreintes. Cette humanité si belle, si forte et si fragile à la fois que j’adorais chez toi, mon Danny.

Parce que j’ai conscience de la chance inouïe que représente le fait d’être en vie.

Parce que j’ai conscience que cette étreinte sera peut-être la dernière. Que tout peut s’arrêter n’importe quand pour n’importe lequel d’entre nous.

Ta disparition ne fait que m’en convaincre un peu plus.

Il va falloir continuer sans toi. Commencer par surmonter le cap de cette première année que tu passeras loin de nous tous qui t’aimons, ta famille et tes amis. Celle qui marque le début du compte à rebours éternel…

À moins qu’il n’existe quelque chose de l’Autre-côté du voile. Qui sait ? Je t’imagine sans mal là-haut, déjà lancé dans une longue conversation passionnée avec Quasar Khanh afin qu’il te révèle les derniers secrets de ton Cube adoré…

J’espère que de là où tu es désormais, tu pardonnes les défauts de mon amitié.

Je sais que j’ai parfois pu te faire souffrir par mes silences de plusieurs semaines. Si tu savais comme je m’en voulais alors. Mais j’étais si abattu, écrasé par mes propres problèmes, que je n’avais ni l’énergie ni le courage de te contacter.

Pourtant, j’aurais décroché si tu m’avais appelé. Mais tu étais de ces gens qui n’appellent jamais, et moi de ceux qui se renferment sur eux-mêmes lorsqu’ils souffrent. Parfois par peur de démoraliser les autres avec l’écho de leur propre douleur. D’autres fois par honte.

Sans doute le comprends-tu maintenant. Toi aussi, il t’est arrivé de garder pour toi certaines de tes préoccupations pour les mêmes raisons.

Je ne t’en veux pas. L’amitié, ce n’est pas forcément se parler tout le temps ou tout se raconter. Parfois, c’est aussi simplement un espace où le silence est possible sans qu’il ne gâte en rien le lien qui relie les cœurs.

Cela me fait si mal de songer que désormais, les nouvelles personnes que je rencontrerais n’auront jamais la chance de te rencontrer. Tu es une telle partie intégrante de ma vie que je ne peux pas concevoir que des gens puissent apprendre à me connaître sans jamais pouvoir te voir toi. Ils passeront forcément à côté d’une immense partie de moi…

Chaque fois que je liais de nouvelles amitiés, il me tardait de te présenter. Je parlais même de toi aux membres de ma communauté YouTube et Twitch. J’espérais que tu puisses rencontrer certains d’entre eux un jour, persuadé que vous auriez mutuellement apprécié vos compagnies.

À présent, il ne me reste plus que ces choses à la fois si dérisoires et si précieuses que sont les souvenirs.

Je maudis l’obscurité que tu as involontairement jetée sur ma vie en disparaissant aussi soudainement. Une vie que tu as tant participé à illuminer.

On ne peut pas changer les ombres, on peut juste les éclairer, chante Monsieur Doré.

C’est vrai.

Personne ne pourra te faire revenir. Il va falloir apprendre à vivre sans toi. Apprendre à vivre avec les ombres et le vide béant que laisse ton départ en tachant de me rappeler que si mon soleil a été mis en terre, ses rayons continuent à me réchauffer.

Cela me rappelle d’autres mots de Julien Doré dans Larme Fatale :

« La vie me fait mal avec ses coups de dés
Mourir c’est pas grave, c’est que tout le monde le fait »

Mourir c’est pas grave, c’est que tout le monde le fait. Cela t’aurait tellement ressemblé de dire ça…

Des souvenirs de nos conversations les plus sérieuses me reviennent. Tu abordais toujours le sujet de ta propre mort avec beaucoup de sérénité. Tu disais que cela ne te gênait pas de mourir. Que tu pouvais partir demain, que ce n’était pas grave.

Je ne pensais pas qu’un jour, ton discours m’aiderait à me consoler un peu de ta disparition.

Mon Danny, je ne pourrais jamais assez te remercier d’avoir traversé ma vie telle une étoile providentielle, un ange gardien flamboyant dans mon ciel.

Le mois dernier, nous parlions encore de mon changement d’état civil que je tardais à faire car j’étais incapable de me décider sur le choix de mon troisième prénom et surtout sur l’ordre de mes prénoms.

Maintenant, cela s’impose à moi comme une évidence.

Ce sera Marius Danny Christopher.

Pour que, comme l’écrivit un jour Victor Hugo, même si tu n’es plus là où tu étais, tu [sois] partout là où je suis.

Parce que l’Amour, que ce soit celui d’un parent, d’un frère, d’un conjoint ou d’un ami, laisse en nous une empreinte indélébile.

Ton passage dans ma vie a contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui. Ta richesse d’âme et de cœur m’ont rendu à mon tour plus riche en humanité.

Merci pour tout, mon Danny.

Je t’aime. Et je t’aimerais jusqu’à mon dernier souffle. Parce que le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants (Jean Cocteau).

@ bientôt quelque part, Danny. Dans la mémoire de tous ceux qui t’ont aimé, dans nos rêves et, qui sait, peut-être un jour dans l’Au-Delà.

Chris

~ Loyal pour toujours.

8 commentaires sur “À Danny

Ajouter un commentaire

  1. Cher Marius,

    Merci pour le partage de ces mots au-delà des km qui me font connaître mieux Danny et regretter de n’avoir pu rire à son humour !

    Ta peine est grande car tu ne sais que tu n’as plus la possibilité de partager de vive voix avec Danny. Mais comme tu l’écris si justement :  » L’amitié, ce n’est pas forcément se parler tout le temps ou tout se raconter. Parfois, c’est aussi simplement un espace où le silence est possible sans qu’il ne gâte en rien le lien qui relie les cœurs. » L’espace de silence semble infranchissable mais Danny est toujours là… L’amour filial et amical qui vous unit ne disparaitra jamais. Le cœur parle… 

    Hélie

    Aimé par 1 personne

  2. Sûrement un des textes les plus poignants que j’ai eu la chance de lire, écrit avec le coeur et les tripes du début à la fin. De jolis mots pour une belle personne. Toutes mes condoléances et force à toi, Marius Danny Christopher.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci beaucoup pour tes mots, Bénédicte ❤ Je suis sûr que vous vous seriez bien entendus Danny et toi. Largeur d'esprit, intelligence, bienveillance, humour. Autant de qualités que vous aviez en commun.

      Il me tarde de retrouver mes chers personnages pour distraire mon cœur et mon esprit de ma peine. J'espère que tout va bien de ton côté.

      Aimé par 1 personne

  3. Témoignage poignant qui prend aux tripes, des mots choisis, uniques, vrais, sincères. Alors oui, l’écriture ne comblera certes jamais le gouffre béant d’un manque abyssal, mais elle permet au souvenir d’exister, encore plus fort, à chaque relecture.

    Carpe Diem, plus que jamais.

    Pour finir, je suis intimement persuadé qu’il aurait été fier de voir « Danny » figurer dans ton futur état-civil.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci pour ces mots, Alain ♥

      Les vertus de l’écriture ne sont plus à prouver en effet. Mais cela ne m’étonne pas. Toujours, l’écriture vient me relever de chaque chute.

      Et puis comme tu dis, elle laisse aux absents un large espace dans lequel exister. Ils ressuscitent l’espace de quelques lignes tandis que leur rire et leur sourire s’incarnent dans nos mots.

      L’inscription du prénom de « Danny » dans mon état civil sera l’ultime hommage que je rendrais à notre ami qui a joué un rôle si important dans ma vie. Mais d’ici là, je compte bien lui écrire en chaque début de mois de cette année 2024 chaque fois que je tournerai les feuilles du calendrier qu’il m’a offert.

      J’aime

  4. Danny… j’aurais tellement aimé avoir plus de temps avec toi pour apprendre à te connaître. Le peu que j’ai vu de toi ne me fait dire qu’une seule chose : tu étais et resteras un homme extraordinaire. Merci pour ces moments si brefs mais intenses, pour les rires, pour les anecdotes, merci à l’univers de m’avoir permis de rencontrer un homme tel que toi. Et je te fais la promesse de toujours veiller sur Chris comme tu l’as fait ou du moins de faire toujours le maximum pour se faire.

    Signé : l’amie perchée de Chris 😉

    Aimé par 1 personne

    1. Merci beaucoup, Rosa ♥ Je regrette aussi que tu n’aies pas pu le connaître plus longtemps. Une amitié entre deux gens extraordinaires ne peut être qu’extraordinaire.

      Je me rappellerai longtemps de l’épisode de la bière au sirop de pêche et du poupon maléfique ! S’il y a quelque chose « Après » et qu’on le retrouve là-bas, il n’échappera pas à la remarque. « Tu vois, Danny, on t’avait dit que ce poupon allait voler ton âme ! »

      Et il nous dira encore que nous sommes tous les deux totalement barrés 😀

      J’aime

Laisser un commentaire

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑